X 31 mai 2010 X l’Aire Libre/Saint-Jacques de la Lande
X Présentation d'une maquette
X PRÉSENTATION
Il n'y a rien d'exceptionnel, juste des situations simples, classiques : femmes trompées, femmes abandonnées mais femmes fantasmant alors que leur vie est plate, sans relief. Et c'est peut être ça le coeur de ce projet : comment vit-on dans le plat, le raisonnable ?
Du texte et des femmes
Ces récits (Une lettre ou comment mettre en scène un sexe féminin, Le poids, ainsi que divers passages du roman Bord occidental et de la pièce Les Insulaires) cherchent à nommer le plus précisément possible des sensations, des ressentis, à nommer dans un grand souci du détail amplifié. Ce projet est né du désir de faire entendre ces voix spécifiques. Nous voudrions voir comment du particulier, du précis, du détail, on arrive à quelque chose d’universel et de partageable.
L'auteur, la metteur en scène : sources
La fiction donne aussi cette possibilité de créer et d’entrevoir des solutions, des changements, des clartés : notre travail part de ce postulat. Comment redonner confiance et vitalité aux corps féminins malmenés par l’ « hypermodernité » ? Là où la société semble tout mettre en oeuvre pour désincarner ses membres, comment redonner corps à la voix intime de l’individu, rendu responsable de lui-même. »
JULIETTE POURQUERY DE BOISSERIN
« C'est une écriture du constat. Mais un constat très précis, très détaillé. Une analyse de l'intimité très franche, violente par moment mais toujours délicate.
Il n'y a rien d'exceptionnel, juste des situations simples, classiques : femmes trompées, femmes abandonnées mais femmes fantasmant alors que leur vie est plate sans relief. Et c'est peut être ça le coeur de ce projet : comment vit-on dans le plat, le raisonnable ? Peut-on être une héroïne dans la plus grande banalité ? Si le cadre de nos vies est fade, tiède, Juliette Pourquery de Boisserin nous propose de
zoomer pour trouver une alternative. Le détail transforme la vision du monde.L'envie de ce projet part d'un désir d'actrice. Le mien. Après plusieurs lectures des textes de Juliette Pourquery de Boisserin, j'avais envie de vivre ses mots, de les manger, de les avoir dans le corps. En juin 2008, j'ai participé au projet de Lumière d'août Ciel dans la nuit qui était une nuit de performances autour de l'aéroport de Saint-Jacques de La Lande. J'ai présenté La chambre du sang de Juliette Pourquery de Boisserin. Je me suis mise dans le corps, juste pour une nuit, 40 minutes de ces mots. J'avais besoin d'éprouver son écriture.
Après cette expérience j'ai ressenti la nécessité d'entendre cette langue par d'autres corps et notamment celui de l'auteur pour voir comment ça se passait chez elle... de quelle énergie brûlait-elle ? J'ai été surprise par sa souplesse, sa fluidité et surtout l'humour qu'elle dégageait. Nous avons réfléchi à l'enjeu de cette écriture sur un plateau de théâtre. Instinctivement, j'ai eu envie d'écouter. J'avais besoin de me laisser faire par les mots, et aussi par d'autres corps. Comme si de rien n'était, je me suis retrouvée à la place de celle qui regarde. Mes rêves de plateau pour les textes de Juliette Pourquery de Boisserin se sont transformés. Eux aussi sont devenus plus précis. »
CHARLINE GRAND
Pistes de travail
Je vois quatre femmes et deux âges. La maturité et la sortie de l'adolescence.
Je veux voir ces femmes se rencontrer sur le plateau, se regarder, se scruter, se demander quelles femmes elles seront ou ont été en se regardant l'une l'autre. Qu'elles prennent la parole, la volent à l'autre, là où on ne s'y attend pas.
Déplacer les conventions féminines de chacune, à travers les textes de Juliette.
Sortir de chacune d'elles les pulsions animales et les rêves de jeunes filles.
Quatre princesses mais aussi quatre chiennes.
Annuler les âges et trouver une « essence » féminine.
Un diptyque pour se rapprocher du roman. Entre deux chapitres, il faut une respiration.
Un diptyque pour justement travailler la pause. En faire un moment.
Un diptyque pour la thèse et l'antithèse. Pour la vérité et son mensonge. Pour développer deux axes. Deux formes qui prennent leur sens en étant côte à côte.
Un diptyque pour déplacer l'écoute du spectateur, créer de la surprise en changeant complètement d'univers dans une deuxième partie, ou justement en ne changeant rien à première vue.
Jouer sur le tout petit détail qui ouvre finalement une autre porte, perturbe tout ce qu'on croyait acquis de la première partie.
Voilà les pistes.
Je préférerais passer ma vie à attendre les retours d’un bateau de pêche plutôt que vivre ce que je vis. L’épouse qui n’a plus son mari dans la tour. Du jour au lendemain et se sent perdue. Le poids de mon corps perdu. La musique joue toute seule, les voisins font du bruit tous seuls. L’autre corps n’est plus là pour absorber sa part du monde qui entoure, qui nous entourait. Les enfants se sont tu, chacun dans leur lit, une nuit de tempête. J’attendrais, seule dans la cuisine, devant du café qui refroidit, des nouvelles de la mer. J’écouterais les bourrasques et je penserais à la taille des vagues et je me précipiterais dans la maison d’à côté pour savoir ce que les autres disent de l’état du temps. Sans nouvelle du bateau de pêche, l’attente est rude, dans la cuisine, et je m’endors un peu, à même la table. Un frisson de froid dans le dos me réveille en sursaut et c’est le jour. Le enfants dorment. J’irais, avec les autres femmes, courir vers le port pour guetter le bateau. L’angoisse comme un collier de perles trop blanches autour de la gorge, de la poitrine et des reins, nous serrerait toutes jusqu’à l’arrivée du bateau. Vu de très loin, certains regards tellement aiguisés par l’habitude du souci, par la force du souci, l’ont vu de très loin. Le bateau arrive et tous les hommes sont à bord, tout est en ordre. Les colliers de perles se détachent lentement des bustes et tombent aux pieds des femmes. Je préférerais vivre cette vie-là, je préférerais vivre cette vie là. Je ne suis plus celle que j’étais hier. Je préférerais cette vie et cette angoisse de femme de marin, je le dis. Et passer le reste de mon temps à m’occuper des enfants, de la maison. Chacune ramasse le collier de perles blanches et le range dans une petite boîte, en attendant la prochaine sortie en mer.
X LE POIDS X
- Ou rarement.
- On est rarement content de soi.
- Oui, c’est vrai.
- Là, par exemple, je pourrais être en plein soleil d’été bien mûr, à Capri, en train de manger des glaces avec un amant tout neuf, romantique, excitant.
- J’ai le coeur qui bat… Des glaces à l’italienne…
- Oui, un amant qui me fait jouir.
- Baci, bella ! - Sous le soleil...
- Mais je ne fais rien. Rien.
- Moi non plus, tu sais.
- La montagne, l’étranger, une maison à la campagne loin des antennes-relais, la famille, les amis, les amants, le bord de mer, le sud très sud, le nord très nord, les îles.
- Je n’aime pas toutes ces îles paradisiaques, ces îles d’agence de voyages…
- Coco, palmes, colliers de fleurs roses, cocktails… Oui…
- Mais pourquoi pas, après tout ?
- Une île paradisiaque ?
- Pourquoi pas, finalement ? On s’y repose sous un autre air… Une île paradisiaque… Mais je suis ici. Je me repose sur un lit réglable grâce à un système électrique des années quatre-vingt-dix. Têtes et pieds réglables à loisir.
- C’est bon pour lire, et pour la circulation du sang dans les jambes, ça.
- C’est bon, ça… Oui.
- Baisser la tête, lever les pieds… Se mettre à l’aise. Isolée, à son aise.
- Je lis un conte pour enfant écrit par une ONG douteuse, basée enInde. C’est bon, ça… Par exemple.
- Je m’isole dans cette chambre. Je ne fais rien de ma vie. Je ne jouispas.
- Moi non plus, je ne jouis pas, si ça peut te rassurer.
- Ça ne me rassure pas. (silence) Je ris rarement. Je ne fais pas la fête. Je n’aime pas boire. Je ne fume pas. Je n’ai pas d’argent.
-Je ne travaille pas pour des salaires d’argent non plus, tu sais, si çapeut te rassurer.
-Ça ne me rassure pas. Pas du tout, ça ne me rassure pas. Arrête avec ça ! En quoi le fait den’être pas la seule à vivre une situation difficile devrait-il me rassurer ? Franchement, qu’est-ce que ça change pour moi ?
X JE SUIS UNE ÎLE ET J'AI FAIM X
X ÉTAPES
univers à partir de cette écriture ?
En juillet 2008, le théâtre La Paillette (Rennes) a accueilli une première session de travail d’une semaine au cours de laquelle nous avons expérimenté sur le plateau les textes et leurs univers, en développant des visions plastiques, des performances sur la matière (viande crue,
odeur de lavande), des réflexions sur l’idée de rituel (chamanique, vaudou, chrétien). À l’issue scéniques.
En novembre 2008, le théâtre La Paillette nous a accueillies pour une seconde résidence d’une semaine centrée sur un travail approfondi de lecture et de compréhension des textes, qui nous a permis de fixer notre corpus.
De nouvelles directions sont alors apparues : comment interroger l’intimité du spectateur ?
comment l’inclure dans une intimité étrangère, dans laquelle il pourrait finir par se reconnaître ?
En avril 2009, Charline Grand passe définitivement du côté de la mise en scène pour la suite de ce projet. Elle ouvre le travail à trois autres actrices: Monique Lucas, Véronique Nordey et Anne-Sophie Sterck qui formeront donc un quatuor avec Flora Diguet.
En avril 2010, séances de travail à Rennes.
Du 14 au 31 mai 2010, répétitions lors d'une résidence à l'Aire Libre, Saint-Jacques de la Lande.
Le 31 mai 2010, présentation publique d'une maquette à l'Aire Libre.