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mercredi 26 janvier 2011

Lumière d'août "prend" la Bastille... Avec "notre" Duchaussoy. (Pas Julia, mais Julie... :)

Les Dirigés face au changement, Propriété, Peloton, Cabaret Quéquette.
Dans le cadre de HORS-SERIE III
Alexis Fichet / Bérengère Lebâcle


TEXTE  LAURENT QUINTON               
MISE EN SCÈNE  ALEXIS FICHET               
DISTRIBUTION  JULIE DUCHAUSSOY ET BÉRENGÈRE LEBACLE                   

>> programmé dans le cadre du festival Hors Série au Théâtre de la Bastille
>> du 21 au 2février 2011 à 21h (relâche le 23)




Ces propositions alternent critique sociale et jeux de formes artistiques pour s’achever sur un très jouissif Cabaret Quéquette, un récital surprenant au service des mots du poète Christian Prigent.
Texte et entretien avec Alexis Fichet – Compagnie Lumière d’Août

Aude Lavigne : Alexis Fichet, c’est la première fois que vous présentez le travail de la compagnie Lumière d’août au Théâtre de La Bastille. C’est une compagnie encore jeune, créée en août 2004, racontez nous vos débuts.

ALEXIS FICHET : Nous sommes six personnes au sein de la compagnie : Nicolas Richard, Alexandre Koutchevsky, Juliette Pourquery de Boisserin, Laurent Quinton, Marine Bachelot et moi–même. Nous nous sommes tous connus à l’université 22 à Rennes en faculté de lettres. Nous faisions partie de l’association de théâtre qui s’appelait Amphi-théâtre et certains d’entre nous animaient une revue littéraire intitulée Le Panier de crabe. Mais ce qui nous a vraiment soudé, c’est la participation à une sorte de grand « raout » organisé par Roland Fichet, mon père, auteur et metteur en scène à Saint-Brieuc. Intitulé Pièces d’identités, c’était un événement qui reposait sur des commandes d’écriture passées à des jeunes auteurs, comme Eléonore Weber,par exemple. Cette expérience nous a permis de voir que nous étions vraiment amis et que nous avions envie de faire des choses ensemble. Ce qui est important, c’est que nous discutons avec facilité et sans rivalité de notre travail, nous pouvons critiquer le texte de l’un ou de l’autre sans que personne ne s’offusque. C’est l’esprit de base de notre compagnie : un espace de dialogue critique. Depuis, deux fois par an, nous nous réunissons tous les six dans une maison, loin de Rennes où nous vivons, et pendant une semaine nous discutons du travail et de nos vies.



Aude Lavigne : Qu’est -ce qui vous réunit artistiquement ?

ALEXIS FICHET : La différence par rapport à d’autres compagnies de théâtre, c’est que dans notre groupe, il n’y a pas de comédiens, mais des gens qui écrivent. C’est une compagnie d’auteurs, même si trois d’entre nous sont aussi metteurs en scène et que Nicolas Richard performe ses textes. Comme le nom de notre compagnie l’indique, Lumière d’août - titre du roman de William Faulkner -, notre référence de départ est plus la littérature que le théâtre. Ce qui signifie que nous croyons dans le fait qu’une langue, la manière dont on parle, dont on dit les choses, fait aujourd’hui sens et que c’est ça qu’il faut entendre. Il s’agit d’abord d’écrire et ensuite nous réfléchissons à comment le partager. C’est pour cette raison que nous avons développé de nombreuses formes théâtrales, courtes ou longues, lues ou jouées, proposées dans différents espaces, bus, aéroport, bar, théâtre. Le théâtre est un moyen qui permet de partager des types d’écritures très différentes. La spécificité de Lumière d’août c’est donc écrire avec le souci de trouver la meilleure forme pour partager ces écritures. Nous ne souhaitons pas rester entre nous et dès la première année, comme nous n’avions pas d’argent, nous avons fait des lectures tous les mois dans des lieux différents. Nous avons compris que le théâtre, au sens large, permet de faire entendre des écritures pointues, bizarre ou jeunes dans des endroits où, soit disant, on ne pouvait pas les faire entendre. Ainsi un texte comme Façade de Nicolas Richard, une poésie parfois très abstraite qui repose sur une description répétitive d’immeubles, a été lu dans une boucherie, ou les pieds dans un étang. Ce qui ne veut pas dire que la salle noire ne soit pas parfois la meilleure condition pour faire entendre un texte.

Aude Lavigne  : Comment pourriez -vous nous présenter le programme que vous proposez au Théâtre de la Bastille ?

ALEXIS FICHET : Nous avons dû faire des choix. C’est un programme qui correspond à un des axes importants que nous menons au sein de la compagnie et que nous appelons « DI-VI-SI-ON-LI-RE » . C’est un champs qui est admiratif de la poésie sonore. Ce n’est pas à strictement parler de la poésie sonore, qui est un travail sur la déstructuration du langage, mais ce sont plutôt des expériences liées à l’acte oral. Comment mettre son corps dans une lecture, avec quelle énergie dit-on un texte … c’est l’endroit de la langue performée. Le programme est donc une suite de petites formes performatives qui commence avec un texte de Laurent Quinton que j’ai mis en scène et qui s’appelle Les Dirigés face au changement. C’est un petit texte rapide qui tourne autour d’une seule idée : aujourd’hui les dominants assument de manière décomplexée le tort qu’ils font aux dominés. A partir de la phrase de Patrick Lelay «  ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau disponible », Laurent Quinton met en parallèle un meurtrier qui avoue ses crimes sans vergogne. C’est une pièce assez simple, assez drôle mais qui pose des choses assez graves finalement. On voit bien, par exemple, comment la gauche actuelle est désemparée face à cette politique qui annonce ses forfaitures à l’avance. C’est la forme la plus théâtrale de la soirée. Ensuite viennent deux lectures/performances. Dans Propriété, nous nous amusons à brouiller les pistes. Avec Nicolas Richard, nous lisons tous les deux un texte de manière synchronisée et le spectateur ne sait pas à qui attribuer le texte. Nous entremêlons nos textes en quelque sorte. Dans Peloton, Nicolas Richard est seul. Il propose un ensemble de textes courts de formes et de sujets très variables. Et puis la soirée se termine sur un vrai cabaret,Le Cabaret Quéquette, sur de textes de Christian Prigent. C’est un auteur que nous aimons beaucoup, un des premiers avec lequel nous avons travaillé. La comédienne Bérangère Lebâcle et le guitariste Jérémie Cordonnier ont composé des chansons avec ces textes. C’est une fois de plus une manière vivante et jouissive pour entendre des écritures recherchées.
La soirée est très stimulante et même si elle ne montre pas tout le travail de Lumière d’août, on perçoit bien les circulations qui existent entre nous. Il y a une atmosphère familiale que nous aimerions partager avec les gens.


EXTRAIT
A. (regarde autour de lui et s’assure qu’il est tout seul.) — Pour Baudrillard, la parole de Patrick Lelay crée une petite révolution dans l’histoire des luttes sociales en France. Jusqu’alors, les dominants prenaient le soin de dissimuler leurs actions les plus néfastes derrière un voile d’hypocrisie ou de mensonge. Lorsqu’ils faisaient quelque chose qu’ils savaient être moralement ou socialement condamnable, ils ne l’avouaient pas. Il y avait une sorte de culpabilité qui les obligeait à l’hypocrisie. Ce qu’a inauguré Lelay, c’est exactement le contraire : la déculpabilisation. Ce qu’on appelle ces jours-ci : la droite décomplexée. Et…
(A. entend un bruit. Il se retourne. Rien. Reprend.)
A. — Et, selon Baudrillard, ce changement qui a l’air psychologique au premier abord, est en fait stratégique. C’est une stratégie, perverse, des dominants pour contrer la critique sociale et morale.
(B. s’approche doucement de A., sans que A. l’entende.)
A. — Parce que ce qui change aussi en fait, c’est le rôle de la critique sociale et morale. Jusqu’alors, cette critique se faisait fort de débusquer les actions malfaisantes des dominants. La critique sociale et morale, de gauche surtout, jouait un rôle de dévoilement de la vérité du capitalisme et de son oppression. Elle disait…
(A. s’aperçoit de la présence de B. derrière lui.)
A. — Ah non ! Tu dégages !
B. — Mais…
A. — Tu dégages, je te dis !
B. — Je suis juste là pour écouter.
A. — Non non, tu es là pour m’interrompre, et pour me donner ton avis. Tu ne me laisses pas parler !
B. — Je ne t’interromprai pas, promis. Je veux juste entendre ce que dit Baudrillard. S’il te plaît…
A. (se calme. Silence. Puis :) — On n’est pas d’accord, entendu ? Je ne veux pas que tu me dises qu’on est d’accord ! Moi je te dis qu’on n’est pas d’accord. Tu comprends ?

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